vendredi 14 juillet 2017

Deployment-Day


A DBA il n'y a pas de hasard de liste (et il y a un métagame) et lorsqu'on joue, tout est hasard. C'est un jeu de chattard. 

Ou pas...

Si c'était vraiment un jeu de chattard, il n'y aurait ni bons joueurs, ni joueurs médiocres, tout le monde serait moyen. C'est de la statistique : toute distribution aléatoire de résultats selon une loi donnée tend vers son espérance mathématique ou en d'autres termes : si on lance un dé un nombre infini de fois, les nombres de fois où le dé tombe sur 1 ou 6 quelles que soient les circonstances sont égaux, on fait autant de 6 que de 1.

Le bon joueur et le mauvais joueur...

Alors comment expliquer qu'il y ait des bons joueurs et des moins bons ? Deux choses. La première est l'aspect micro-tactique grâce auquel un bon joueur identifiera les mouvements optimaux à faire grâce à son nombre d'ordres réduits pour obtenir le meilleur gain en matériel (meilleure probabilité de détruire un élément adverse) ou une meilleure position (pour préparer une prise de flanc, bénéficier de bonus ou placer l'adversaire dans le terrain toupourri).

La seconde est le déploiement. C'est finalement la phase de jeu où le hasard peut être contrôlé et pendant laquelle des choix judicieux permettent de remporter la partie (ou au moins éviter de la perdre rapidement). 

Le déploiement commence par le choix des rôles de chaque joueur : attaquant ou défenseur ? Et là, le choix de la liste est important puisque c'est l'agressivité qui déterminera les chances d'être attaquant ou défenseur. Si votre liste a un facteur d'agressivité de 0, vous aurez plus de chance d'être défenseur (de placer le terrain, de vous déployer en premier mais de jouer en premier). En revanche, si votre agressivité est de 4 (le maximum), c'est l'inverse, vous serez plus souvent attaquant (choisir votre bord de table, vous déployer en second). La moyenne d'agressivité des listes s'établit à peu près entre 1 et 2, l'écart de l'agressivité de votre armée avec cette valeur est un assez bon estimateur de vos chances d'être attaquant ou défenseur dans l'absolu. Et qu'est-ce donc que ça change ? Tout !

Personnellement, j'aime être attaquant. J'aime avoir l'initiative, voir le jeu adverse et m'y adapter. Je vais assez souvent choisir des armées qui ont un facteur de 4, voire 3. Tout ça pour pouvoir choisir mon bord de table et surtout pour me déployer en second afin de gêner le plan adverse et de favoriser mes troupes.

Mais il arrive aussi que je soit défenseur d'autant que je joue aussi des armées avec une faible agressivité. Dans ce cas, on a pas mal de choses à décider, plus que si on est attaquant et c'est ce qu'on va voir.

Choisir le terrain

Cet article ne va pas être un traité sur le choix du terrain ou quoi. Juste quelques trucs pour être bien pénible et contrebalancer le fait que votre adversaire pourra s'adapter à votre déploiement, vous jouez à l'aveugle, pas lui. Il aura l'initiative. Et le meilleur moyen de la prendre c'est de lui enlever.

Si vous jouez une armée de cavaliers face à une liste de piétons, c'est plutôt bon. Quel que soit le terrain de prédilection de votre armée, vous ne jouerez qu'un seul terrain accidenté en élément obligatoire. Le reste sera du terrain clair dans lequel les piétons adverses se feront hacher menu et les pouilleux ne pourront pas se cacher. Si vous jouez une liste de piétons, de tirailleurs ou une liste combinée, là, il va falloir tenir compte de deux choses : la liste adverse et votre plan pour la plier. Si votre adversaire ne possède pas un fort contingent de cavalerie par rapport à vous, mettez les terrains difficiles sur les côtés des quarts de table et prenez des petits terrains ainsi ils ne seront pas gênant et personne ne pourra vraiment en profiter. Si vous affrontez de la cavalerie et que vous avez de l'auxiliaire et du pouilleux, prenez des grands terrains difficiles et placez les vers le centre. Là encore, vous pourrez en bénéficier quel que soit le choix adverse pour le bord de table. D'où la nécessité d'avoir des décors en deux tailles mini et maxi en fonction de l'adversaire. C'est une raison pour laquelle j'aime mes armées à 4 en agressivité, je ne suis pas défenseur, j'ai pas besoin de terrains.

Face je gagne et pile tu perds

En fin si, d'un seul. Le Rivage (ou Côte ou Waterway en anglais). C'est réservé aux armées qui ont pour terrain Littoral et c'est un choix de terrain obligatoire. En plus de réduire la largeur du champ de bataille de 1 à 3 LB et de réduire les choix de bord pour l'attaquant à 2 au lieu de 4, le Rivage permet au défenseur de déployer une réserve de 3 éléments à son contact après le déploiement de l'attaquant. Et ça, j'ai pu l'expérimenter, ça réduit l'avantage de l'attaquant à se déployer en second puisqu'il doit compter avec un contingent qui peut menacer l'arrière de son armée. Il doit le gérer, prendre une décision... au risque de se tromper. Sachant que vous avez la décision finale de débarquer ou non dans son dos, au milieu de la nappe ou dans votre propre zone. 

J'arrive souvent à monopoliser l'attention de 3 à 4 éléments adverses avec cette menace, éléments qui ne seront pas là à m'attendre lorsque ma ligne avancera. Surnombre facile et débords à peu près assurés. J'ai le tempo et l'initiative ne tarde pas à suivre si j'ai suffisamment d'ordres au dé pour bouger mes éléments.

Un autre terrain, un marais ou une forêt est nécessaire pour protéger l'aile de votre dispositif à l'opposé de la Côte. Pour être à peu près sûr d'en profiter, essayez d'en placer deux, un grand et un petit, votre adversaire sera bien obligé d'en choisir un et de vous refiler l'autre. Enfin, si vous avez de la chance au dé pour le placement de cet élément de terrain. Sinon faudra faire avec.

Un point auquel il faut faire attention (ou pas...), c'est que si votre adversaire a également Littoral comme terrain de prédilection, il peut aussi faire débarquer ses 3 éléments. Cela m'est arrivé au dernier tournoi amical auquel j'ai participé. Mon compère de deuxième ronde avec sa liste Leidang aurait pu arriver dans mon dos avec 3 socles de Vikings bien vénères. Il ne l'a pas fait. Bon, fourbe et vil comme je suis, je ne lui ai pas rappelé non plus. On va dire qu'on y avait pas pensé...

Les listes qui vont bien

 J'ai sélectionné quelques listes avec terrain Littoral et une basse agressivité et j'en ai fait un top 5. Il fait que vous sachiez que je n'ai jamais joué l'une quelconque de ces armées mais leur potentiel, eu égard à ce que j'aime vous laisse imaginer pourquoi elles me font de l’œil.

Grecs de Cyrénaïque (I/56a) 

Mon numéro 1 ! Des chars qui démontent en Lances en cours de partie ou que l'on peut déployer en Lances ou en LCh dès le début du jeu pour s'adapter au mieux à la liste d'en face. Quelques psilètes complètent cette armée qui doit être un rêve à jouer. Pour l'adversaire, ça doit moins être le pied.

Ordre de Saint Jean (IV/56)

A la deuxième position, une liste comprenant Chevaliers, Lances et Psilètes en proportions égales. Vous pouvez pourrir le terrain et y cacher vos 6 pouilleux prêts à tomber sur l'adversaire qui vient vous chercher des crosses. Les Chevaliers apportent le punch contre l'infanterie lourde adverse. Face à une armée montée, le terrain pourri devrait vous faciliter la tâche.

Grecs de la Mer Noire (I/5l)

Encore des Grecs mais cette fois ce sont ceux des colonies pontiques. Là encore, une faible agressivité et des troupes variées : cavalerie lourde et légère, hoplites et pouilleux qui gèrent bien n'importe quel adversaire.

Pictes (II/68b)

Les affreux Pictes ont deux listes : l'une d'une agressivité de 4 et une autre plus tranquille. Plus de hoplites mais de la Pique rapide, de la cavalerie légère et des psilètes.

Leidang (III/40d)

Les listes vikings ne contiennent quasiment que de la Lame rapide, ça va vite, ça tape fort mais ça poursuit et sur la durée, ça manque de mobilité pour prendre les flancs. Cette liste reprend donc l'ossature d'une armée scandinave médiévale mais y adjoint de la cavalerie et de l'infanterie légère ce qui permet de pallier le manque de mobilité dans le clair et dans le pourri.



vendredi 7 juillet 2017

DBA, LE jeu pour tout le monde ?

Il y a quelques jours je suis tombé sur un schéma rigolo en surfant sur le forum Fanaticus. C'est un diagramme de Venn qui tente d'expliquer pour De Bellis Antiquitatis, malgré tous ses défauts, est un jeu qui plaît ou, du moins, devrait plaire au plus grand nombre.

Le schéma montre que DBA est "à la croisée des chemins" de plusieurs aspects que les joueurs recherchent dans un jeu, aspects qui, du reste, caractérisent bien la plupart des jeux dont nous avons l'habitude. Le choix du nom de ces aspects et des jeux qui les caractérisent montre aussi que l'auteur du schéma est anglo-saxon et que c'est un vieux joueur mais passons là dessus pour jouer au jeu du portrait chinois de DBA.

C'est un wargame ?

Si on prend comme définition du wargame un jeu qui combine cartes et pièces (figurines ou non) et qui propose aux joueurs de simuler un affrontement militaire historique ou pas, alors oui, c'est effectivement le cas. Comme c'est le cas pour les autres jeux cités : Small World (oui, ne rigolez pas, selon la définition, c'est un wargame) et surtout Mémoire 44. Le cas de Tigre&Euphrate et d'Axis&Allies:Minis est plus problématique pour moi car je n'y ai jamais joué. Mais d'après la description de ces jeux sur BoardgameGeek, c'est pertinent de les considérer comme des wargames.

C'est un jeu "Gateway" ?

En français, on préfère parler de jeu d'introduction ce qui est tout de même plus parlant. Voyons ce qu'on a. Catan (Settlers), Mémoire 44 et Wings of War (on prendra X-Wing) sont effectivement des jeux d'introduction. Je parle pour ma pomme en ce qui concerne Catan puisque lors de mon séjour en Roumanie, pour la plupart des gens avec lesquels j'y ai joué cela représentait le premier jeu de société moderne auquel ils avaient joué. En ce qui concerne Mémoire 44, c'est la même chose si j'en crois l'engouement qu'a reçu ce jeu au Coffre à Jeux quand il est sorti en français. Enfin, pour X-Wing/Wings of War, je prends l'expérience de la saison 2015-2016 d'Orléans Wargames qui a vu un afflux de nouveaux joueurs grâce à ce jeu.

C'est un "Eurogames" ?

Pour les anglo-saxons de type nord-américain, un "eurogame" est un jeu à la mécanique un peu chiadée, où le hasard est contrôlé (on pourra en reparler), dans lequel les interactions entre joueurs et l'immersion thématique sont secondaires. C'est l'aspect qui me pose le plus de problème car si Catan est bien un "eurogame" selon cette définition (quoiqu'il pâlisse en comparaison d'un Descendance ou d'un Caylus), je ne vois absolument pas Small World dans cette définition ! Et DBA alors ? L'interaction entre joueurs est permanente, au moins lorsqu'on joue avec moi. Le hasard, pas besoin d'en parler (j'ai menti), c'est un jeu de chattard. Quant à l'immersion thématique, je ne sais pas ce qu'il faut mais je ne connais pas de joueur assidu qui n'ait jamais ouvert un livre d'histoire ou regarder sur Wikipedia le background de la liste qu'il s'est choisi. Mais je pense pas qu'il s'agisse de ça mais plutôt du côté "simulationniste" des règles. Et ça nous amène directement au côté "mécanique chiadée" et à l'aspect abstrait du jeu.

C'est un jeu abstrait ?

Je pense que ça apparaît très clairement lorsqu'on compare DBA à Field of Glory (FoG), Art de la Guerre (AdG), Impetus ou Hail Caesar. Tous ces autres jeux proposent des budgets de liste, des règles spéciales pour chaque type de troupes et des modificateurs de caractéristiques très précis. Ils se placent très nettement dans une catégorie de jeux simulationnistes voire réalistes, créneau dont DBA est très loin avec ses listes fixes, ses types de troupes agrégés et ses caractéristiques limitées. Par exemple, là où FoG fait une différence entre velites romains et frondeurs carthaginois du fait que ces derniers sont des tireurs, DBA n'en fait aucune et les considèrent comme des tirailleurs totalement identiques (des psiloi).

Qui joue à DBA ?

Attention, ce qui va suivre n'est absolument pas une étude statistique rigoureuse !
Si je prends l'exemple d'Orléans Wargames, la population des joueurs et des joueuses de DBA comprend 2 ou 3 joueurs d'historique, 3 ou 4 joueurs de jeux de figurines autres et 3-4 débutants qui sinon jouent à des jeux de société/jeux de rôle. Cela ne montre rien du tout mais peut s'interpréter avec l'aide de tout ce que je viens de dire avant. Les débutants y voient un jeu d'introduction qui n'est franchement pas plus compliqué que Caylus ou Small World une fois qu'on a expliqué les règles du mouvement tactique et qu'un joueur expérimenté résout les cas de recul/fuite/débord/soutien un peu tordus. Les joueurs historiques y voit une récréation agréable et une occasion de finir une partie en 45 minutes et d'en jouer une autre ensuite. Et les autres le prennent comme un jeu abstrait avec un thème antique plutôt rafraîchissant.

Cette interprétation est justifiée aussi par l'accueil du public lors de festivals et de conventions (Paris Est Ludique, Orléans Joue, FLIP, Fête du Jeu). Le jeu est plébiscité par les jeunes joueurs, par les vieux joueurs qui aimeraient s'y remettre et par certains non-joueurs qui acceptent quand même d'y jouer. Les plus critiques sont les historicistes invétérés qui se reconnaîtront peut-être. Même un certain RafPark dit du bien de DBA, c'est dire !

Pourquoi tout le monde n'y joue pas ?

J'ai identifié plusieurs raisons qui ne vont étonner personne : l'austérité assumée (ou non) du matériel de jeu, l'absence de côté "prêt-à-jouer" et le thème historique qui peut rebuter pas mal de monde (un peu comme les maths en fait !). Le fait que le hasard soit prépondérant peut aussi être un frein à l'adoption du jeu mais je pense que c'est secondaire quand on voit le nombre de jeux de chattard qui ont du succès. D'un autre côté, Mortem et Gloriam vient de sortir en français et j'espère que l'auteur ne va pas penser à en publier une version d'initiation.

Combattre des défauts inhérents est compliqué puisque l'éditeur est lié par un contrat de licence avec les auteurs originaux de DBA mais cela n'empêche pas de réfléchir à ce que pourrait être un DBA "sexy". Changer le thème ? On aimerait faire un HOTT 3.0, oui ! Changer la mise en page du bouquin et proposer plus d'illustrations ? Oui, aussi mais c'est un risque éditorial important et personne ne sait si un bouquin à 50€ se vendra. Proposer une boîte prête à jouer avec des figurines en plastique à clipser sur des socles et un bouquin de règles allégé ? Pourquoi pas. Et vous, qu'en pensez-vous ?