jeudi 5 février 2015

Nouvelle année, nouvelle résolution.

Cela faisait un moment que nous avions délaissé ce blog. La vraie vie est une chienne et clairement, la fin 2014 a été l'ultimate bitch of doom.

Mais 2015 est déjà là et il est temps de faire des bilans, et de prendre de bonnes résolutions. Ma première bonne résolution sera d’écrire plus souvent sur le blog. Oui, je m’engage ici à écrire un article par mois. Rien d’excessif et je ne garantis pas des fleuves sans fin à chaque fois. Mais l’exercice est cathartique et donc intéressant. Et puis le rédac’ chef sera content, vu ce que je lui coûte en message d’insultes et de menaces.

Il y a quelques mois, j’exprimais mon ressenti(-ment) envers Kickstarter. Pour moi, une belle idée se transformait en gloubiboulga indigeste et finalement médiocre, que cet OVNI rédactionnel expose parfaitement.

Mais voilà, cela fait maintenant plusieurs années que Kickstarter a permis de voir fleurir des projets divers, et l’on peut commencer à avoir le recul suffisant sur cette pratique pour en analyser les conséquences. Ou le manque de conséquences ?

Car l’affirmation est souvent proclamée : “grace à KS, des jeux qui n’auraient jamais vu le jour peuvent exister”. Tout cela est généralement vrai et KS n’est pas l’ogre que certains pouvaient craindre. Il permet effectivement de créer des jeux encore jamais vu, à des éditeurs de publier leur premier produit avec un risque réduit et parfois de faire des rencontres ludiques originales.

Je ne suis pas ici pour faire l’article de Kickstarter et de ses multiples avatars. L’autre question souvent posée est : “N’est-ce pas un danger pour les boutiques ?” La question reste valable, les données étant conflictuelles, mais elle mérite d’être plus largement posée. Qu’est-ce que Kickstarter apporte réellement au marché du jeu ? Qu’est-ce que Kickstarter apporte à la communauté des joueurs ?

  1. Qui peut le plus peut le mieux ?

Il est incontestable que Kickstarter fait pulluler les projets ludiques. Je ne parle même pas des jeux vidéos. Ne s’en tenir qu’aux jeux de plateaux c’est déjà avoir la section de Kickstarter la plus remplie et la plus active de tout le site. Des jeux de cartes, de dés, des jeux de plateaux, de figurines, de rôle… Tout y est. Du familial, du hardcore, du kubenbois, de l’Améritrash. Et il faut bien le dire majoritairement de la merde (secouez une boîte de jeu façon Jean Pierre Coffe en lisant cela).

Parce que oui, vous trouverez de tout sur Kickstarter, mais rien ne garantit la qualité d’un projet. Entre la resucée nostalgique d’un jeu mort, les pompes éhontées mais-vraiment-plus-intense-que-l-original, les volumes 12 d’un jeu à succès (et on se demande encore pourquoi vu les bugs de conception) qui ne devrait même plus passer par KS, le jeu stratégico-ennuyeux qui croit être un jeu de plateau hardcore mais qui est un mauvais D&D4 softcore, le jeu apéro qui n’est rien d’autre que l’adaptation pseudogeek de la roulette russe, du crapouillot ou du 8 américain avec des chats moches et/ou des gros seins, vous aurez l’embarras du choix et surtout le choix de l’embarras.

Car oui, vous allez promouvoir des artistes balbutiants, vous allez soutenir des entreprises audacieusement débutantes, vous allez parier votre 13ème mois sur un projet plus ou moins vague et audacieusement marketé. Mais ce produit en vaut-il la peine ? Pire, ce produit mérite-t-il juste d’exister ?



Personne ne se réjouit de la multiplication des lapins et des rats. Diantre, il existe même des moyens de lutte contre ces proliférations de nuisible. Mais bizarrement, le geek est ravi de claquer l’argent des études de ses enfants dans des produits à l’intérêt vague ou aléatoire, couvrant leur “entassite” aiguë sous les excuses de soutien de l’économie, de concept “délirant” ou, comme Rafpark, sans même avoir une excuse…

Attention, je ne dis pas que l’on n’a plus rien inventé depuis le Monopoly ou Carcassonne ou Warmachine. Je dis juste que nouveau jeu ne veut pas dire jeu intéressant.
Et non seulement, la plate-forme surannée de Kickstarter ne permet pas de s’en prémunir, mais elle renforce même l’effet “wahoo!” au détriment de l’information fondamentale.

La qualité discutable de la plupart des jeux offerts dernièrement va de la figurine molle, la carte trop fine, la plateau avec un problème de colorimétrie au produit manquant parce qu’on a oublié de demander une licence à son titulaire. Je passerai de façon courtoise sur les délais fantaisistes de TOUS les Kickstarters, parce que le pauvre Geek qui claque l’argent de Mère-Grand est tout angoissé si l’on lui dit la triste vérité, dure et moche : “Nous ne savons pas, parce que nous sommes des charlots”.

Ce problème de qualité est connexe à un autre : celui de la durabilité des jeux offerts. Et de leur durée de vie sur un marché déjà saturé.


II. Exister c’est bien, en dur c’est mieux.

Votre jeu est financé. Vous le produisez et le livrez à tous vos backers, en temps et en heure (lol). Bien. Et la suite ? La suite c’est simplement de voir votre jeu favori sur les étagères de votre boutique préférée.

Là encore, Kickstarter ne vous aidera que d’une seule façon : si vous avez suffisamment de succès, vous aurez un argument pour convaincre un distributeur plus ou moins fainéant et parvenu de vous prendre dans son catalogue indigeste et sans cohérence.

Mais là, on parle de jeux qui ont fait plusieurs centaines de milliers de dollars, allez, arrêtons la blague, plus d’un demi million. En dessous, votre jeu voit ses chances d’être pris d’office réduites à néant. Et le petit éditeur qui a encore sous-évalué ses prix pour paraître plus attractif aux vautours insatisfaits qui trollent les projets Kickstarter parce qu’ils veulent entasser à vil prix se retrouve une nouvelle fois dépourvu de ressources pour se permettre une campagne de conquête de marchés. Et dans un contexte hyper-compétitif, aller chercher tous les principaux distributeurs qui ne sont pas venus à vous, cela part déjà très mal.

Et ensuite, qu’est-ce qui va assurer la longévité de votre jeu sur les étagères poussiéreuses de votre LGS préféré ?


III. Extension du domaine de la lutte.

Vous avez votre nouveau presse-livre déguisé en jeu de plateau révolutionnaire. Maintenant qu’en faire ? Vous voulez y jouer ? Vraiment ? Cool. J’espère que votre groupe habituel aussi. Parce que grâce à votre Kickstarter favori, vous avez permis à un tiers de constituer un fichier client avec vos informations personnelles et il vous remercie. Vous avez aussi permis à votre groupe de joueurs (si vous en avez un, vous seriez surpris de voir le nombre de joueurs solitaires) de tromper l’ennui de vos précédentes acquisitions en essayant un nouveau jeu “révolutionnaire complexe mais pas compliqué au gameplay hasardeux, aux règles confuses et rédigées sans talent et au matériel pléthorique et mal rangé dans la boite.

Mais à quel moment avez-vous créé de nouveaux joueurs ? A quel moment ce nouveau produit s’est-il préoccupé de constituer une base de joueurs nouvelle ? Comment pensez-vous que ce nouveau jeu va trouver un nouveau public maintenant que vous l’avez financé grassement ? Certes, les grosses machines s’en sortiront toujours. après tout, KS n’est qu’une prévente pour eux. Mais les petits éditeurs ? Ceux qui ont ce produit nouveau qui est désespérément en recherche de communauté pour s’épanouir et survivre dans ce marché noyé par les monceaux de nouveaux produits ?

Je ne vous jette pas la pierre, vous, joueurs, vouliez votre jeu avec un rabais (parce que KS ne fonctionne que grâce à cet artifice commercial) et avant tout le monde (là, c’est souvent raté). Mais vous, l’éditeur, qui justement, ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez avez oublié que le financement de votre jeu c’est aussi le financement de la construction de sa communauté de joueurs. Parce que faire un jeu de merde c’est bien, mais si vous n’avez pas des joueurs de merde pour y jouer, vous êtes aussi inutiles que vous êtes infatués à propos de votre pépite financée par la foule ankylosée qui vous a permis de réunir les trois cacahuètes que vous appelez un succès.

De fait, quand je regarde un Kickstarter, je suis moins impressionné par un montant affolant de monnaie avec 6 zéros que par un nombre de backers à 4+ chiffres. Cela ne crée pas de joueurs, mais au moins vous avez un vrai indicateur de ce que votre jeu peut faire une fois jeté dans les rues sombres et moites des clubs de jeu.


La prochaine fois, je vous parlerai d'un autre truc qui me donne des gaz. Et vous, où pledgez-vous ?


9 commentaires:

  1. Perso, je pledge sur IGG pour Kolaps! :)

    J'ai lu gros seins... Maintenant, je veux les voir! :)

    RépondreSupprimer
  2. Y'a des fois je me dis que je doit être ton souffre douleur favoris :D et c'est pas la première fois que je suis qualifié comme étalon -mètre maximum du krakaje compulsif (n'est ce pas arsenus ^^), mais pourquoi est ce qu'il faut une excuse pour se faire plaisir ??
    Je suis d'accord avec toi, sans suivi ou création d'une communauté pas la peine d'espèrer voir son jeu de figs suivi mais des fois si un système n'est pas bon il suffit d'en prendre un autre ;)

    RépondreSupprimer
  3. La rédaction décline toute responsabilité quant aux réactions suscitées par cette article qui n'est pas passé par les mains expertes des censeurs de la PSLuO. Néanmoins, en cas de réactions trop exacerbées, la rédaction s'arroge le droit d'avoiner. Elle aime ça.

    RépondreSupprimer
  4. Bon, joli texte, bon argumentaire, 3 parties bien claires, vous avez suivi la méthode. Par contre, les sous-parties ne sont pas explicites et votre 2ème partie est déséquilibrée et faible par rapport aux autres.
    Conclusion un peu lapidaire, à retravailler - 14/20

    Le professeur Fussoir a toujours quelque chose à dire!

    RépondreSupprimer
  5. Sympa l'article, assez vrai même s'il est oriénté. J'ai aimé la réf à rafpark, c'est vrai tu es devenu 'étalomètre' de l'achat compulsif et c'est d'ailleurs ce qu'il manque à l'article: nous, on achète pas des jeux sur kickstarter pour y jouer; on achète parce que notre plaisir c'est d'acheter un jeu aux règles hasardeuses et juste de l'acheter et on veut le meilleur deal possible sans savoir s'il on les utilisera les bonus mais on veut surtout pas les rater en attendant une sortie boutique.

    bon apres, il y a quand même des succès assez suivi qui ont proposé des reductions de prix.

    Je crois surtout que cela permet de lancer des jeux avec figs dont les cout important font réfléchir à deux fois un distributeur avant de se lancer.

    La on se pose pas de question, ils récupèrent la thune a l'avance et le jeu est produit. C'est quand meme pas mal! regarde conan, plein de fois fred henry a dit que les editeurs voulaient pas le financer et son cout initial d'investissment est monstrueux apparement.

    Mais dans l'ensemble j'ai l'impression qu'il y a des plus d'effets négatifs que positifs et il faudrait analyer la raison qui fait que je peux claquer 300 ou 500$ sur un meme jeu dans un KS et tres rarement dans une boutique.

    Les réductions de prix potentielles, les cadeaux gratos, le côté exclusifs? A méditer :)

    sprz

    RépondreSupprimer
  6. J'admets être totalement orienté. :)

    Oui, Conan est financé alors que les éditeurs n'en voulaient pas. Mais justement, ce jeu est-il nécessaire ? Apporte-t-il quelque chose de nouveau ? D'intéressant ?
    C'est tout le sens de mon article.

    Et c'est d'autant plus vrai que les jeux de plateaux avec figurines qui marchent se comptent sur les doigts d'une main. Et leurs communautés de joueurs sont quasi inexistantes.

    Prenons Rafpark, notre mètre-étalon (petit cochon) : Combien de fois a-t-il joué avec ses figurines Bones ? Avec Zombicide Saison 1 ? Avec tous les autres jeux ?

    RépondreSupprimer
  7. Le coté exclusif et limité dans le temps joue énormément. Ca incite le populos à acheter sans se poser trop de question, à grand coup de "Dépêches-toi sombre imbécile car tu risques de rater une occasion unique, l'occasion du siècle !".

    RépondreSupprimer
  8. L'attractivité d'un produit sur KS par rapport à la boutique est un vaste sujet... intéressant mais vaste.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est une idée ça ! Je vais faire de l'interview sur le sujet. Entre Gaël, Nico et MOG, j'ai matière. De ton côté, Greg, essaye d'interviewer le tenancier de ta Friendly Local Gaming Store, transmets poi le texte et laisse moi faire le montage.

      Supprimer