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vendredi 10 juillet 2015

Plaisirs en famille

Récemment, j’ai eu l’occasion de jouer à trois jeux :
  • Heroquest, le classique de Milton Bradley et Games Workshop des années 1990. La boite de base, simple et pleine de figurines délicieusement classiques et monoblocs. Pas de supplément mais pas de pièce manquante.
  • Black Market Warehouse, de Fire Squadron. Un petit jeu apéritif édité par une maison jeune et enthousiaste (et honnêtement bordélique) créée par un pote, Tracy Constantine (le gars qui a notamment dessiné des petites bandes dessinées pour le No Quarter à l’époque).
  • Angry Sheep de Iron Box Games. Un jeu de dés avec des petits moutons en plastique à l’esprit révolutionnaires.

Je vais parler de ces trois jeux parce qu’ils ont un point commun : je peux y jouer avec mes trois gamines de 14, 12 et 9 ans.

Cela fait quelques mois que je suis assidûment les groupes de discussions sur les jeux de plateaux et de société modernes et la plupart du temps, ce que je vois ce sont des parents qui jouent à leurs jeux et des enfants qui jouent aux leurs. Les produits passerelles sont légions, on le sait étant donné l’offre endémique des jeux de plateaux (plus d’un nouveau jeu par jour chaque année !!) mais beaucoup d’entre eux sont soit trop chers (Ticket to Ride est un excellent jeu de hasard mais dieu que la boite est chère pour un jeu qui existe depuis 20 ans…), soit trop bordéliques (Rampage) soit trop simples (King of Tokyo) pour avoir une grosse rejouabilité pour les seniors.

Rampage, le jeu de destruction avec un livre de règles (c) Absurd Nerd Blog.


C’est avec d’autant plus de surprises que j’ai apprécié jouer à ces jeux récemment.

Angry Sheep est un jeu de dés classique, un avatar du Yahtzee ou du Yams : on jette des dés, on doit faire des paires pour voler des moutons sur le champs au milieu où à ses adversaires. La mécanique est perturbée/accélérée par la présence d’un mouton noir, oui, le fameux Black Sheep de la 214, dont les effets de jeu, de la suppression de mouton en série à la défaite pure et simple si l’on finit la partie avec le mouton noir dans son pré.
Les logos sont simples et évidents, pas de lettres, pas de chiffres. 

Angry Sheep. Sheep Guevara met le boxon dans votre pâturage.

Je place le décor tout de suite à propos de mes filles : Elles n’aiment pas la difficulté dans un jeu et sont HYPER-compétitives. Ce jeu est donc l’occasion de jets de moutons en plastique (ils sont vraiment mignons) à travers la pièce et de cris de douleurs déchirants quand le mouton noir passe d’un pré à un autre. Mais c’est un jeu facile à sortir pendant que le rôti cuit dans el four ou que la pizza doit être livrée. Et c’est toujours drôle.

Black Market Warehouse est un autre jeu apéritif sympathique. Cette fois-ci, c’est un jeu de cartes. Chaque joueur doit remplir des contrats en piochant des cartes. On remplit le contrat en mettant le bon nombre de cartes dessus mais pour que ce contrat rapporte plus de points, il faut mettre les cartes exactes du contrat. On continue tant que tous les contrats n’ont pas été remplis.

Black market Warehouse. Trafic de pandas dans des entrepôts louches.

Le jeu a une dynamique très très simple. On pioche, on place, on remplit un contrat, on jette le surplus. L’ambiance est hyper sympathique, les contrats sont représentés par des entreprises toutes plus illégitimes les unes que les autres avec des noms du genre “Blanchiment et associés”, “Nounefezonpadetrafic Inc”, les autres cartes sont illustrées de tous les clichés les plus marquants des objets susceptibles de trafic : pandas, débris d’OVNI, armes, fruits exotiques, tableaux. Enfin, certaines cartes sont des cartes d’interventions qui permettent d’introduire plus d’interaction entre les joueurs, que ce soit par la perte de cartes ou l’échange contrats.

Encore une fois, une mécanique simple, un jeu avec des interactions limitées qui permettent de limiter les ressentiments et les récriminations des enfants hyper-compétitifs. Le jeu s’installe en trois secondes et dure 15 minutes. Il est signalé pour 2 à 4 personnes mais il se joue facilement à 6 ou 8, il dure juste moins longtemps. Encore une fois, un jeu qui est basé sur le même genre de mécaniques que les 7 familles avec un petit bout de pouilleux et des maths très simples pour le score.

Enfin, Heroquest, le jeu que je ne devrais même plus avoir à présenter au lectorat de ce blog. Le Grand Ancien du jeu de plateau, sorti en 1989 aux USA et l’année d’après en France, est un modèle de simplicité et d’ambiance cheesy absolument délicieuse. Une bande de 4 aventuriers, un barbare, un elfe, un nain et un magicien doivent parcourir les sombres entrailles d’un donjon afin d’ouvrir des portes, tuer des monstres et piller les trésors. Le jeu est un vrai jeu des années 90. Simple, coloré, punitif. En effet les scénarii, au nombre de 14 dans le livre de base, sont très difficiles et requièrent une coopération sans faille entre les héros, ainsi qu’une gestion pointue des sorts à disposition des personnages ayant des compétences magiques, car il n’y a que 2 sorts de régénération et une paire d’objets pour faire revivre des personnages morts prématurément… Les monstres sont pléthore, les pièges multiples, les salles exigues et faciles à boucher. Il y a une vraie gestion du placement et des déplacements.

Le meilleur jeu des années 90 ? Oui, selon RPG Booster !

Tout cela se fait très rapidement et facilement. Le Maître du donjon devra se taper une bonne séance de lecture du livre de règle, assez riche mais les joueurs ont toutes les aides visuelles et graphiques possibles pour jouer rapidement sans se poser de question. Là aussi nous sommes en face d’un jeu des années 90 destiné au grand public : simple d’accès et avec tout le contenu de la boite utile, même le séparateur en carton comporte l’inventaire de la boutique pour équiper ses personnages ! Rien d’inutile ni de superflu.

J’y ai donc joué avec les gamines. Une réussite. Ce jeu est le meilleur point d’entrée vers le JdR pour les jeunes. Les jets de dés sont faciles, les caractéristiques simples, les fiches de personnages en version US bien plus intuitives que les versions FR (qui fumaient en rajoutant des détails inutiles). La première mission nous a pris deux bonnes heures à terminer mais toutes les salles ont été nettoyées de la vermine qui y rodait. Un personnage est mort et est revenu à la vie (cadeau du MD) et la gargouille s’est faites défoncée par un mage qui après n’avoir lancé AUCUN sort pendant toute la partie a décidé que lancer 5 dés d’attaques supplémentaires suffirait à faire un One Shot !!

Depuis j’ai ma grande qui veut tester D&D, ma moyenne qui écrit des contes sur les dragons et les vampires et la petite… Qui veut jouer aux moutons parce qu’elle aime crier “Viva la Revoluciòn !”

En commençant cet article, j’avais dans l’idée d’insulter les Kubenbois, mais les bons souvenirs générés par ces quelques parties m’ont permis d’être rempli d’amour et d’indulgence pour ces losers qui aiment faire de la comptabilité pour les maternelles.

Du coup, je n’insulterai pas les snobinards hipster du jeu de plateau qui regardent avec une condescendence teintée de mépris les joueurs de Uno ou de Monopoly parce que ces jeux ne sont pas aussi intéressant qu’un jeu de gestion comptable ennuyeuse comme Agricola ou Settlers of Catan, ou un jeu débilo-pipi-caca-prout comme Cards Against Humanity ou même un jeu de bluff pour neuneu comme Sheriff of Nottingham (bravo, les gars, vous avez inventé le pouilleux…).

CAH est au jeu de société ce que le porno animalier est au cinéma.

Bref, je ne dirai pas de mal des feignasses qui se sont mis au jeu de plateau parce que cela va plus vite à installer alors qu’ils ont besoin de 8 boîtes, et d’installer des tonnes de cartes, pions, jetons, plateaux modulables et parfois même… figurines pour commencer une partie dont la résolution dépend d’une pioche heureuse.

Non, plutôt, je me réjouirai de la dilution des crétins remplis de préjugés prétentieux dans la masse croissante des joueurs de ce genre de jeux qui prennent simplement du plaisir à jouer à tout, sans se demander si les règles sont bonnes mais plutôt s’ils aiment le jeu. Je suis vraiment heureux de voir que mes filles accèdent à la culture geek par les portes qu’elles choisissent, sans préjugés.

Un de mes amis a l’habitude de parler de l’âge d’or du Geek. Je pense que nous sommes plutôt à un âge de fer. Nous avons eu la chance d’être formé à la geekerie par nos ainés qui ont créé des choses comme Star Wars, Star Trek ou Indiana Jones et nous ne faisons que puiser à cette source notre inspiration ludique et imaginaire. Et ce n’est pas forcément plus mal. Il faudra juste nous débarrasser de la sale habitude de nous enfermer dans nos groupes sociaux prédéfinis et nous ouvrir à d’autres cultures et d’autres choix, arrêter de brandir notre geekerie et nous définir comme des humains avec des goûts ludiques variés mais toujours amusants. Ce n’est pas gagné.


jeudi 5 février 2015

Nouvelle année, nouvelle résolution.

Cela faisait un moment que nous avions délaissé ce blog. La vraie vie est une chienne et clairement, la fin 2014 a été l'ultimate bitch of doom.

Mais 2015 est déjà là et il est temps de faire des bilans, et de prendre de bonnes résolutions. Ma première bonne résolution sera d’écrire plus souvent sur le blog. Oui, je m’engage ici à écrire un article par mois. Rien d’excessif et je ne garantis pas des fleuves sans fin à chaque fois. Mais l’exercice est cathartique et donc intéressant. Et puis le rédac’ chef sera content, vu ce que je lui coûte en message d’insultes et de menaces.

Il y a quelques mois, j’exprimais mon ressenti(-ment) envers Kickstarter. Pour moi, une belle idée se transformait en gloubiboulga indigeste et finalement médiocre, que cet OVNI rédactionnel expose parfaitement.

Mais voilà, cela fait maintenant plusieurs années que Kickstarter a permis de voir fleurir des projets divers, et l’on peut commencer à avoir le recul suffisant sur cette pratique pour en analyser les conséquences. Ou le manque de conséquences ?

Car l’affirmation est souvent proclamée : “grace à KS, des jeux qui n’auraient jamais vu le jour peuvent exister”. Tout cela est généralement vrai et KS n’est pas l’ogre que certains pouvaient craindre. Il permet effectivement de créer des jeux encore jamais vu, à des éditeurs de publier leur premier produit avec un risque réduit et parfois de faire des rencontres ludiques originales.

Je ne suis pas ici pour faire l’article de Kickstarter et de ses multiples avatars. L’autre question souvent posée est : “N’est-ce pas un danger pour les boutiques ?” La question reste valable, les données étant conflictuelles, mais elle mérite d’être plus largement posée. Qu’est-ce que Kickstarter apporte réellement au marché du jeu ? Qu’est-ce que Kickstarter apporte à la communauté des joueurs ?

  1. Qui peut le plus peut le mieux ?

Il est incontestable que Kickstarter fait pulluler les projets ludiques. Je ne parle même pas des jeux vidéos. Ne s’en tenir qu’aux jeux de plateaux c’est déjà avoir la section de Kickstarter la plus remplie et la plus active de tout le site. Des jeux de cartes, de dés, des jeux de plateaux, de figurines, de rôle… Tout y est. Du familial, du hardcore, du kubenbois, de l’Améritrash. Et il faut bien le dire majoritairement de la merde (secouez une boîte de jeu façon Jean Pierre Coffe en lisant cela).

Parce que oui, vous trouverez de tout sur Kickstarter, mais rien ne garantit la qualité d’un projet. Entre la resucée nostalgique d’un jeu mort, les pompes éhontées mais-vraiment-plus-intense-que-l-original, les volumes 12 d’un jeu à succès (et on se demande encore pourquoi vu les bugs de conception) qui ne devrait même plus passer par KS, le jeu stratégico-ennuyeux qui croit être un jeu de plateau hardcore mais qui est un mauvais D&D4 softcore, le jeu apéro qui n’est rien d’autre que l’adaptation pseudogeek de la roulette russe, du crapouillot ou du 8 américain avec des chats moches et/ou des gros seins, vous aurez l’embarras du choix et surtout le choix de l’embarras.

Car oui, vous allez promouvoir des artistes balbutiants, vous allez soutenir des entreprises audacieusement débutantes, vous allez parier votre 13ème mois sur un projet plus ou moins vague et audacieusement marketé. Mais ce produit en vaut-il la peine ? Pire, ce produit mérite-t-il juste d’exister ?



Personne ne se réjouit de la multiplication des lapins et des rats. Diantre, il existe même des moyens de lutte contre ces proliférations de nuisible. Mais bizarrement, le geek est ravi de claquer l’argent des études de ses enfants dans des produits à l’intérêt vague ou aléatoire, couvrant leur “entassite” aiguë sous les excuses de soutien de l’économie, de concept “délirant” ou, comme Rafpark, sans même avoir une excuse…

Attention, je ne dis pas que l’on n’a plus rien inventé depuis le Monopoly ou Carcassonne ou Warmachine. Je dis juste que nouveau jeu ne veut pas dire jeu intéressant.
Et non seulement, la plate-forme surannée de Kickstarter ne permet pas de s’en prémunir, mais elle renforce même l’effet “wahoo!” au détriment de l’information fondamentale.

La qualité discutable de la plupart des jeux offerts dernièrement va de la figurine molle, la carte trop fine, la plateau avec un problème de colorimétrie au produit manquant parce qu’on a oublié de demander une licence à son titulaire. Je passerai de façon courtoise sur les délais fantaisistes de TOUS les Kickstarters, parce que le pauvre Geek qui claque l’argent de Mère-Grand est tout angoissé si l’on lui dit la triste vérité, dure et moche : “Nous ne savons pas, parce que nous sommes des charlots”.

Ce problème de qualité est connexe à un autre : celui de la durabilité des jeux offerts. Et de leur durée de vie sur un marché déjà saturé.


II. Exister c’est bien, en dur c’est mieux.

Votre jeu est financé. Vous le produisez et le livrez à tous vos backers, en temps et en heure (lol). Bien. Et la suite ? La suite c’est simplement de voir votre jeu favori sur les étagères de votre boutique préférée.

Là encore, Kickstarter ne vous aidera que d’une seule façon : si vous avez suffisamment de succès, vous aurez un argument pour convaincre un distributeur plus ou moins fainéant et parvenu de vous prendre dans son catalogue indigeste et sans cohérence.

Mais là, on parle de jeux qui ont fait plusieurs centaines de milliers de dollars, allez, arrêtons la blague, plus d’un demi million. En dessous, votre jeu voit ses chances d’être pris d’office réduites à néant. Et le petit éditeur qui a encore sous-évalué ses prix pour paraître plus attractif aux vautours insatisfaits qui trollent les projets Kickstarter parce qu’ils veulent entasser à vil prix se retrouve une nouvelle fois dépourvu de ressources pour se permettre une campagne de conquête de marchés. Et dans un contexte hyper-compétitif, aller chercher tous les principaux distributeurs qui ne sont pas venus à vous, cela part déjà très mal.

Et ensuite, qu’est-ce qui va assurer la longévité de votre jeu sur les étagères poussiéreuses de votre LGS préféré ?


III. Extension du domaine de la lutte.

Vous avez votre nouveau presse-livre déguisé en jeu de plateau révolutionnaire. Maintenant qu’en faire ? Vous voulez y jouer ? Vraiment ? Cool. J’espère que votre groupe habituel aussi. Parce que grâce à votre Kickstarter favori, vous avez permis à un tiers de constituer un fichier client avec vos informations personnelles et il vous remercie. Vous avez aussi permis à votre groupe de joueurs (si vous en avez un, vous seriez surpris de voir le nombre de joueurs solitaires) de tromper l’ennui de vos précédentes acquisitions en essayant un nouveau jeu “révolutionnaire complexe mais pas compliqué au gameplay hasardeux, aux règles confuses et rédigées sans talent et au matériel pléthorique et mal rangé dans la boite.

Mais à quel moment avez-vous créé de nouveaux joueurs ? A quel moment ce nouveau produit s’est-il préoccupé de constituer une base de joueurs nouvelle ? Comment pensez-vous que ce nouveau jeu va trouver un nouveau public maintenant que vous l’avez financé grassement ? Certes, les grosses machines s’en sortiront toujours. après tout, KS n’est qu’une prévente pour eux. Mais les petits éditeurs ? Ceux qui ont ce produit nouveau qui est désespérément en recherche de communauté pour s’épanouir et survivre dans ce marché noyé par les monceaux de nouveaux produits ?

Je ne vous jette pas la pierre, vous, joueurs, vouliez votre jeu avec un rabais (parce que KS ne fonctionne que grâce à cet artifice commercial) et avant tout le monde (là, c’est souvent raté). Mais vous, l’éditeur, qui justement, ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez avez oublié que le financement de votre jeu c’est aussi le financement de la construction de sa communauté de joueurs. Parce que faire un jeu de merde c’est bien, mais si vous n’avez pas des joueurs de merde pour y jouer, vous êtes aussi inutiles que vous êtes infatués à propos de votre pépite financée par la foule ankylosée qui vous a permis de réunir les trois cacahuètes que vous appelez un succès.

De fait, quand je regarde un Kickstarter, je suis moins impressionné par un montant affolant de monnaie avec 6 zéros que par un nombre de backers à 4+ chiffres. Cela ne crée pas de joueurs, mais au moins vous avez un vrai indicateur de ce que votre jeu peut faire une fois jeté dans les rues sombres et moites des clubs de jeu.


La prochaine fois, je vous parlerai d'un autre truc qui me donne des gaz. Et vous, où pledgez-vous ?